Contempler les étoiles dans les parcs canadiens aux nuits les plus obscures vous rapproche plus que jamais du cosmos.
Rédactrice | Michelle Cyca
Cet article est un extrait du troisième numéro du magazine Boundless.
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La nuit tombe différemment au beau milieu de la plaine du parc national des Prairies. L’herbe ondule comme se riderait l’océan sous une légère brise, et le silence est tel que je perçois le frou-frou des brins. Au loin, les hurlements des coyotes qui annoncent la venue du crépuscule résonnent dans la plaine, tandis que les derniers rayons de soleil tirent leur révérence derrière les collines.
La quiétude de ce parc est l’un de ses aspects exceptionnels. Aucun signe d’activité humaine ne vient troubler le paysage; il n’y a pas de voitures à l’horizon ni d’avions au-dessus de nos têtes. Leur absence révèle tout ce dont je passais à côté : la symphonie des oiseaux, le bruissement de l’herbe, le bruit sec et le bourdonnement des insectes dans l’air chaud de l’été. Et, au-dessus de moi, émergeant une à une dans l’immensité du ciel qui s’assombrit, des millions d’étoiles que je n’avais jamais vues.
Le parc national des Prairies, une immense plaine au relief accidenté dans le sud-ouest de la Saskatchewan, est une réserve de ciel étoilé, et donc l’un des rares endroits en Amérique du Nord où l’on peut vraiment voir le ciel nocturne. Les réserves de ciel étoilé ont été créées ces dernières années en reconnaissance de l’importance d’établir des lieux protégés où l’environnement nocturne reste intact. De nombreux animaux se repèrent grâce aux étoiles ou chassent à la faveur de la nuit, et voient leur survie menacée par l’intrusion de la lumière artificielle qui accompagne l’activité humaine. Comme une forêt ancienne, un ciel étoilé est une beauté immémoriale qui se fait de plus en plus rare.
Le parc national des Prairies est la plus sombre des nombreuses réserves de ciel étoilé du Canada. Mais là, allongée sous la voûte étoilée, il me paraît difficile de parler d’obscurité : loin d’être sombre, le ciel est lumineux, avec les météores, les satellites, les constellations et le croissant de lune qui y brillent. Chez moi, le ciel nocturne ressemble plutôt à une chape noire et lisse parsemée de petits points lumineux. Ici, j’arrive à distinguer une texture et une vague ondulation, comme si mes yeux n’étaient pas rivés là-haut, mais plongés dans les profondeurs insondables de l’océan. La Voie lactée s’élève au sud de l’horizon tel un imposant nuage qui brille de la lumière voilée d’un milliard de soleils lointains.
Couchée sur le dos dans l’herbe sèche, je prends conscience que je n’ai jamais contemplé le ciel aussi longtemps. Je m’habitue à la vision du tracé fluide des satellites dans le ciel. Je remarque que certaines étoiles brillent d’une lumière douce et diffuse, tandis que d’autres semblent scintiller. L’une d’elles se met soudain à flamboyer, comme une allumette qu’on vient de craquer, avant de disparaître à jamais. Une phrase de l’astronome Carl Sagan me vient à l’esprit : « La Terre est une toute petite scène dans une vaste arène cosmique. » Nous ne saisissons que trop rarement l’occasion de détacher notre regard de cette scène pour le poser sur les étoiles qui brillent. Mais ce soir, j’ai l’impression de regarder enfin l’univers dans les yeux, sans rien entre moi et les étoiles.